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Ciel ma reconquête !

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Rédactrices : Véronique Servat, Fanny Layani

Parmi les débats qui ont accompagné et marqué les débuts de Vincent Peillon au ministère de l’Education Nationale, celui des rythmes scolaires fut l’un des plus médiatisés. L’attention s’est focalisée sur l’organisation de la semaine à l’école primaire mais aussi sur la durée des vacances scolaires d’été, question soumise aux desiderata des professionnels du tourisme ainsi que des familles recomposées. C’est une autre rythmique que nous souhaiterions questionner aujourd’hui. L’une de celles qui s’étiolent et s’épuisent chaque année davantage, loin des cénacles institutionnels, médiatiques et politiques. Une rythmique qui laisse indifférent le management de l’Education Nationale, car éloignée des enjeux du baccalauréat, mais qui scande le temps du métier réel entre les mois de mai et juin, pour des milliers de collégiens et leurs enseignants.

« Madame, bouclez votre programme, vous avez 36 semaines ».

Voilà ce que me dit mon Inspecteur Pédagogique quand je lui fais part de mes difficultés à boucler le nouveau programme d’histoire géographie de 3ème. Ayant nous même bien des difficultés à valider les compétences mathématiques du pilier 3 du socle commun, il n’apparaît pas inutile d’apporter quelques précisions d’ordre chiffré à qui n’est pas familier de l’enseignement du collège.

Sur les 36 semaines de l’année scolaire, défalquons tout d’abord de notre temps devant les classes de 3° la très nécessaire semaine de stage en entreprise ainsi que  journées consacrées aux examens blancs (brevet et oraux d’Histoire des arts : ce qui représente 3 jours soit l’équivalent horaire d’une semaine de cours en Histoire Géographie).

Pénétrons ensuite plus avant dans la vie pédagogique non fantasmée d’un établissement scolaire : convenons–en, c’est aride mais nécessaire. Hélas nous sommes alors contraintes de nouveau, et même approximativement, d’ôter du temps disponible pour « boucler le programme ». Ainsi, il est courant dans une année scolaire que les élèves fassent des sorties pédagogiques – nous en organisons nous-mêmes certaines – amputant notre temps de cours, voire un voyage scolaire d’une semaine ; que leur professeur obtienne quelques journées de formations (refaire 4 programmes en 4 ans, c’est assez éreintant et un peu d’aide n’est pas superflue) ; qu’il tombe malade ; que l’établissement octroie aux enseignants des demi-journées de concertation parce que notre institution nous demande de renouveler notre projet d’établissement, etc. Parfois aussi, des mouvements sociaux liés à des suppressions de postes et d’heures d’enseignement affectent notre lieu de travail. Comble de malchance enfin, l’année scolaire comporte, sur les 36 semaines ouvrables, des jours fériés. Pour peu que nous ayons deux heures nos 3ème ce jour-là (soit presque les 2/3 de l’horaire hebdomadaire), on frôle la punition.

Où en sommes nous parvenus de nos comptes ? 36 – 2 (pour stage et examens) – 2 (sorties-stages-maladie-mouvements sociaux et réunions) = 32 semaines, dans le meilleur des cas.

À raison de 3,5 heures de cours par semaine, on totalise déjà 14 à 18 heures de cours évaporées, soit l’équivalent de l’enseignement de 3 à 4 chapitres. L’heure de se ronger les ongles jusqu’aux sangs est venue, puisque d’évidence on ne bouclera pas. Une lueur d’espoir s’allume alors à l’horizon. On se dit que l’on va pouvoir miser sur le dispositif mis en place par notre ancien ministre Xavier Darcos qui, souvenez vous, nous avait promis à tous en 2009 la « reconquête du mois de juin ».

« Partons ensemble à la reconquête du mois de juin ».

Cette « reconquête du mois de juin » a été lancée à grands renforts de communication. Pour celles et ceux qui connaissent un peu notre milieu, on sait d’expérience que plus ça communique, plus c’est creux. Cette opération de redressement national n’a pas dérogé à la règle.

Rappelons tout de même de quoi il est question dans cette affaire qui fit se tendre tant de micros et se cabrer tant de caméras. Le ministère part du constat qu’en raison des examens (on parle ici du bac, les autres comptant pour du beurre dans l’espace public même s’ils occupent des classes et leurs enseignants pour les préparer durant toute une année), les élèves se dispersent prématurément dans la nature début juin, l’appel des beaux jours n’arrangeant rien à l’affaire. Première mesure pour s’attaquer au problème : on recule le bac. Deuxième mesure : on claquemure les enseignants – et, en théorie, leurs élèves – dans les établissements jusqu’au 5 juillet. Ils ont déjà beaucoup de vacances (rappelons que les congés et le salaire sont le principal attrait du métier, c’est bien connu) : il ne faudrait pas non plus trop les conforter dans leur paresse atavique. Que de bonnes intentions pour ne point gaspiller l’argent public, n’est-il pas ? (La cour des comptes is watching you).

À présent, éteignons les micros, rangeons boas et paillettes et retournons dans la vraie vie. Vous aurez remarqué qu’il aurait pu être utile de considérer que l’ensemble du secondaire ne se réduit pas au lycée et au bac, mais qu’il existe aussi une autre « espèce » d‘élèves concernés par les questions de calendrier, communément identifiée par les familles et les enseignants sous le nom commun de collégien. Le collégien passe son examen entre le 27 et le 28 juin. Il n’a pas trop de problème de reconquête, lui, mais il cherche en vain – avec ses professeurs, mais pour d’autres raisons – un argument qui permette de justifier sa présence en cours, tout retors qu’il est, jusqu’à cette date avancée de l’année. Il est plausible de penser que les enseignants de collège sont à peu près les seuls, actuellement, à ne pas désespérer de la météo qui, si elle avait été autre, aurait encore aggravé la situation : l’adolescent de 14 ans ne développe en effet pas naturellement une motivation submergeante pour préparer un examen écrit dans 3 disciplines, dont la forme renouvelée pour la session 2013 est particulièrement peu engageante, et qui s’obtient en grande partie grâce au contrôle continu.

Mais nos chères têtes blondes n’ont nul besoin d’avoir l’esprit fort mal tourné pour se laisser aller à leurs penchants naturels à l’évaporation au premier rayon de soleil, car l’institution met, dès mai, tous les voyants au vert pour leur indiquer, comme disait une célèbre chanson, que « l’école est finie ». À cette période en effet, les élèves de 3ème des collèges ont fait un ou plusieurs brevets blancs leur permettant de se jauger pour l’examen, ils ont quasiment tous passé leurs oraux d’Histoire des Arts et l’indispensable ASSR2 qui assurera à tous une certaine quiétude dès qu’ils tenteront de chevaucher un deux-roues pétaradant (attestation de sécurité routière que nous avons malencontreusement oublier de défalquer du temps de cours disponible). Ils ont complété leurs dossiers d’orientation, puisque les procédures imposent d’enregistrer les vœux des familles mi-mai : le calendrier institutionnel, lui, n’a pas suivi les armées de la reconquête, et en est resté au rythme précédent. Les conseils de classe ont ainsi lieu fin mai ou début juin, ne venant qu’entériner presque a posteriori une procédure déjà quasiment bouclée. Ainsi, avant même que les enseignants ne se prononcent (c’est vrai qu’on peut encore une fois se passer ici de leur avis), le sort en est jeté. Dans tout ça, difficile de convaincre les élèves qu’il reste près d’un mois de travail avant la fin de l’année, mois bien nécessaire pour tenter, tant bien que mal, de venir à bout de l’histoire politique de la France depuis 1945, de la place de la France dans le monde ou du sujet ô combien enthousiasmant de la défense nationale.

Concrètement dans nos classes, il y a donc encore à ce stade de l’année, une vingtaine d’élèves dont les éventuelles angoisses quant aux échéances proches masquent difficilement la profonde conscience que l’année est achevée. Nous pouvons alors déployer des trésors d’inventivité pédagogique et tenter de nous concentrer sur les chapitres les plus à même de remobiliser les troupes, c’est souvent peine perdue.

Le mois de juin, qui n’en finit plus de s’étirer, se transforme en une longue et pénible garderie, les élèves disparaissant progressivement une fois les conseils de classe passés. Les derniers cours de l’année s’égrainent devant un auditoire de plus en plus clairsemé, de moins en moins investi, sacrifiés sur l’autel d’une « reconquête du mois de juin » qui, faute d’avoir été réfléchie, aboutit de facto à une désertion des salles de classe et à un sentiment pénible d’inutilité. Prendra-t-on un jour notre travail – et celui des élèves – au sérieux ?


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